En 2007, Loïc Jacob met en sommeil sa carrière dans l’enseignement supérieur pour se lancer dans l’aventure de la création d’une maison d’édition. Il me fait le plaisir de nous présenter son concept et ses livres Jeunesse orientés vers la Chine, et plus largement vers l’apprentissage de l’altérité.
Avec Chun-Liang Yeh, auteur et également fondateur de HongFei Cultures, vous avez choisi un mot chinois pour nommer votre maison d’édition. Que signifie HongFei ?
HongFei est un mot chinois qui signifie « Grand oiseau en vol ». Nous l’avons tiré d’un poème classique du XIe siècle de SU Dongpo. Le poète y compare la vie à un grand oiseau en vol qui survole la neige où il laisse des traces auxquelles il ne s’attache pas. C’est ce mot qui a également inspiré le logo de la maison d’édition, un sceau rouge sur lequel figure en blanc un oiseau stylisé proche du dessin à l’origine du caractère « oiseau » en chinois.
HongFei Cultures est une maison d’édition interculturelle permettant la rencontre d’auteurs chinois et d’illustrateurs français. Comment est-elle née ?
Elle est née de la rencontre de deux amis issus de cultures différentes (chinoise et française) et de leur triple intérêt pour la littérature, l’image et la création.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans cette aventure de l’édition ?
Venant d’horizons professionnels différents, Chun-Liang Yeh et moi-même avions le projet de travailler en commun à la rencontre de nos cultures. En 2007, ce projet a pris la forme d’une maison d’édition interculturelle. Notre intention était, dans un environnement éditorial qui, en jeunesse fait peu de place à une Chine non stéréotypée, de susciter, à partir de la culture littéraire chinoise, une création dont l’intérêt ne tiendrait pas dans l’exotisme ou le didactisme, qui paraîtrait proche au lecteur (c’est le rôle de l’illustration) et l’emmènerait pourtant sur des voies inhabituelles pour lui (c’est le rôle du texte).
Quelle est votre ligne éditoriale ?
HongFei Cultures développe une ligne éditoriale valorisant une expérience sensible de la Chine et plus généralement une expérience de l’altérité.
Pour cela, nous concevons des livres jeunesse en invitant les artistes français à illustrer des textes d’auteurs chinois classiques ou contemporains issus d’une tradition littéraire deux fois millénaire, infiniment plus riche que des seuls « contes exotiques » auxquels on la réduit souvent.
Ce faisant, HongFei a à cœur, non de « montrer » une Chine objet de curiosité, mais d’emprunter leur regard aux auteurs chinois et d’offrir aux jeunes lecteurs des histoires à aimer où ils se surprendront à s’émerveiller avec l’Autre, qu’ils croyaient pourtant si différent.
Car c’est finalement à l’apprentissage de l’altérité que tend réellement notre ligne éditoriale. Si certains titres hors collection sont sans lien avec la Chine, tous nous invitent à élargir notre horizon dans ce sens, autour de trois thèmes : le voyage, l’intérêt pour l’inconnu et la relation à l’autre.
Combien de titres proposez-vous au sein de vos différentes collections ? Quels sont vos publics ?
A la fin du printemps 2014, notre catalogue comptera 47 titres essentiellement destinés aux jeunes lecteurs de 3 à 12 ans. Nous avons publié 9 titres en 2013 et une dizaine sont programmés en 2014. Nous avons créé 7 collections (textes classiques, contes, textes d’auteurs taïwanais, fables, etc.) et publions des livres en hors collection : des ouvrages singuliers ne rentrant pas dans les collections existantes ou des projets personnels d’auteurs-illustrateurs français, avec ou sans lien à la Chine. En avril et mai 2014, nous ouvrons 2 voies nouvelles : celle du roman et celle du « beau livre » non spécifiquement destiné à la jeunesse (en l’occurrence, un carnet de voyage en Chine).
Le Nouvel an chinois est l’occasion de faire découvrir aux enfants les signes du zodiaque chinois. Pouvez-vous nous présenter « Songes d’une nuit de Chine » de Chun-Liang Yeh qui les met en avant ?
Songes d’une nuit de Chine est un livre singulier où Chun-Liang Yeh mobilise son talent d’auteur et sa culture chinoise au service d’un thème mythique. Dans ce texte concis et scandé, il fait apparaître une à une les figures symboliques du Zodiaque et, au détour d’une phrase, révèle tout autant la part intime des animaux qui le composent. Ainsi écrit-il, à propos du Tigre : « Tous ont peur et moi je n’ai peur de rien. Pourtant, ma vie n’est pas un paradis : jamais personne ne m’a caressé et je n’ai jamais caressé personne. Mes étreintes, au lieu de consoler, ouvrent des plaies et font saigner. »
Il fallait tout le talent d’une artiste peintre pour accompagner ce texte. C’est Valérie Dumas qui a mit sa force créatrice et son humour au service d’une galerie de portraits impayables. Avec gourmandise et drôlerie, elle croque les caractères et tissent subrepticement les liens qui, dans ce grand jeu de songes, signale l’harmonie du monde. Car ici, les signes s’appellent et se répondent.
Ce beau travail est accompagné des calligraphies de Wen-Yu Aymard qui nous propose de découvrir un tracé vieux de 3 000 ans.
Enfin, le livre est complété par quelques pages qui permettront au lecteur de connaître son propre signe mais aussi de comprendre le sens que les Chinois donnent à l’existence du zodiaque.
Pour un voyage en Chine en famille, quel livre conseillez-vous de glisser dans la valise d’un junior ? et d’un jeune non lecteur ?
Je n’ai qu’une recommandation à faire : aller en famille en librairie et fureter. Et pourquoi pas larguer les amarres, dès ce moment, en choisissant un livre inattendu (les libraires seront d’un bon conseil). Gageons que nos amis lecteurs garderont de toute façon un souvenir impérissable de cette lecture liée à leur séjour en Chine.
Propos recueillis par Sandrine Damie
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