Le choc des cultures, une vue de l’esprit ? Pas tout à fait quand on s’appelle Kevin, qu’on vit depuis toujours à Lille et que tout le monde vous parle de vos origines chinoises. Et quand les palpitations du coeur se mettent en marche à l’adolescence, quel chambardement !
« Ma vie à la baguette » de Chloé Cattelain (éditions Thierry Magnier) est un roman pour ados sur la quête d’identité, ses origines, et le passage à l’âge adulte. Comment plaire à son père venu de Chine en France pour une vie meilleure – en conservant ses valeurs de vie « à la chinoise » – et gérer les premiers émois amoureux quand on est un ado timide ?
Kevin et son frère Michael sont Lillois mais il ne se passe pas un jour sans qu’on leur fasse une allusion – plus ou moins lourde – sur leurs origines… sans oublier les a priori et fantasmes qui en découlent. Leurs parents ont débarqué de Pékin avant leurs naissances. Depuis la mort de leur mère, ils vivent avec leur père, obsédé par la réussite scolaire de ses fils et le respect de la culture chinoise. Alors à la maison, Kevin et Michael parlent chinois, mangent chinois et courbent l’échine face à l’autorité paternelle.
Pourtant ces deux ados n’aspirent qu’à une chose : être des ados comme les autres dans leur lycée, avec des sorties entre amis, des petites copines et un peu d’insouciance. Le grand écart entre la culture chinoise et le quotidien dont ils rêvent fait l’objet de dialogues haut en couleurs, vifs et qui font mouche.
Extrait :
« – Tu parles souvent de ton père, hein ?
Paf, elle vise en plein coeur, comme à son habitude. Et là, le « traitre muet » de Coline, si avare en confidence, se libère :
– Mon père s’appelle Zhang Weiguo, ça veut dire « Pour le pays ». C’est un homme très loquace, mais qui prend soin de ne jamais parler de lui ».
Je pèse mes mots pour ne pas laisser ma colère contre lui éclater, le souffle coupé par l’émotion :
– C’est l’homme le plus important de ma vie. Il m’aime mais il ne saura jamais me le dire. Je ne voudrais surtout pas lui ressembler, mais je l’admire tellement. » (p. 157)
En dehors de l’appartement familial, la carapace se fissure pour laisser éclore, au prix de doutes et de maladresses, un Kevin plus mûr et plus sûr de ce qu’il veut dans la vie. Pourtant chaque période de vacances scolaires bouscule ses certitudes. Avec Michael et leur père, ils s’envolent pour Pékin, rejoindre leur tante et leur cousine.
Il devient de plus en plus difficile pour ces ados de jongler entre les coutumes chinoises à suivre dans cette famille chinoise si lointaine pour eux… et leur vie française.
L’adolescence est aussi la période d’un fort questionnement. Pourquoi leurs parents ont fui leur pays ? Pourquoi ne connaissent-ils pas leur famille maternelle à Pékin ? Pourquoi tant de silences quand ils souhaitent parler de l’histoire familiale ?
On découvre le quotidien de cette Chine, coincée entre tradition et modernité, sans oublier la censure, les non-dits et les manifestations de Tian’anmen (1989) qui ont marqué les esprits à jamais.
On suit avec tendresse Kevin dans sa quête identitaire en Chine mais aussi dans ses démêlés amoureux, épaulé dans cette double démarche par Coline, sa meilleure amie qui n’a pas sa langue dans sa poche. Il décrit avec drôlerie son quotidien et ses escales pékinoises.
Au final, un roman qui parlera à tous ceux qui ont des origines parfois lointaines, des secrets de famille à comprendre ou tout simplement à tout adolescent(e) qui rêve de sa première histoire d’amour… avec un grand A !
Sandrine Damie
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