Avec son roman autobiographique « Danser dans la mosquée », Homeira Qaderi déclare au monde entier son amour pour son fils dont elle a été séparée. À travers son récit et les lettres écrites à son enfant, on découvre la vie de sa famille en Afghanistan, depuis son enfance jusqu’à l’arrivée des Talibans. Glaçant.
Décidément, je me suis lancée dans une série de lectures qui demandent d’avoir le cœur bien accroché. Après « Tant que les citronniers fleuriront » (Syrie) et « Dans mon coeur à jamais » (Arménie), me voici aux côtés d’une nouvelle femme en Orient : Homeira, femme afghane, rebelle depuis son enfance qui paye le prix fort pour ne pas avoir courbé l’échine face aux Talibans.
Présentation par l’éditeur
« Homeira naît en 1980 à Hérat, en Afghanistan, dans une maison où se côtoient trois générations qui tentent de survivre tour à tour à l’occupation soviétique, à la guerre civile puis à la première prise de pouvoir des talibans. Au sein de ce foyer aimant, l’enfant chérit les livres et la liberté, se révolte contre les privilèges accordés à la gent masculine et les interdits visant les filles. Adolescente, elle ira jusqu’à animer une école clandestine dans une mosquée.
Mais plus Homeira grandit, plus la vie s’assombrit. Elle accepte le mariage avec un inconnu, puis finit par fuir son pays. Elle fera alors de sa vie un combat pour l’instruction et pour le droit des femmes.
À travers son histoire singulière, l’autrice dresse le portrait d’un peuple qui vit sous la férule des talibans. Danser dans la mosquée est aussi une adresse à son fils. Par les lettres qu’elle lui écrit, elle dessine l’espoir de retrouvailles dans un pays délivré de l’obscurantisme. »
« Danser dans une mosquée » : un cri du coeur !
Pas une phrase ne laisse place aux doutes dans le roman. La femme afghane n’a aucun droit depuis les Talibans. Etait-ce mieux avant ? Pas franchement. Homeira partage son expérience de petite fille dans les années 1980 : si elle avait le droit d’instruction, elle ne pouvait pas jouer avec les garçons, grimper aux arbres, manger autant que son frère… car elle était une fille. Pourtant Homeira ne s’en laisse pas conter. L’arrivée des Talibans en 1996 est synonyme d’enfer pour la population, et surtout pour les femmes.
École clandestine pour les petites filles, rébellion des femmes fomentée dans un hammam, danse improvisée dans une mosquée, Homeira veut vivre. Quelle audace, quelle prise de risque. Elle n’en fait qu’à sa tête ce qui effraie sa mère et ses tantes. Et si le déshonneur tombait sur sa famille à cause de ses actes ? En grandissant, loin de rentrer dans le moule, Homeira repousse les limites autorisées. Mais un jour, elle cède et se marie.
Débute alors une période de bonheur à Téhéran où elle s’installe avec son mari, devient mère, suit des études supérieures. Cette parenthèse enchantée a hélas une fin : elle doit retourner avec les siens en Afghanistan. Son mari veut une 2e épouse. Elle refuse, divorce… et doit s’exiler sans plus aucun contact avec son fils.
Ce témoignage chronologique est entrecoupé de lettres qu’elle adresse à son fils, comme une bouteille à la mer, qu’il pourra peut être lire un jour. En attendant, auprès de son père, il croit sa mère morte. Véritable exutoire, le roman est brut, sans fard, comme un premier jet de pensées jetées sur le papier, comme un fardeau dont on voudrait se débarrasser au plus vite.
Face à des récits de femmes comme celui-ci, je me sens impuissante et aussi très privilégiée.
Comment les aider ? Lire leurs histoires et en parler est une première étape.
Je souhaite à Homeira de partager de nouveau un jour le quotidien de son fils.
Sandrine Damie
Danser dans la mosquée
D’Homeira Qaderi
Éditions 10/18
8 euros