Sylvie Baussier réussit le tour de force de mettre à la portée des jeunes lecteurs, une légende qui aurait tout pour faire peur aux enfants… mais en y ajoutant un zeste d’humanité, elle donne de l’épaisseur et un soupçon de tendresse à ce personnage légendaire venu de Prague.
A Prague, il existe une légende autour d’un géant d’argile : le golem (signifiant « l’inachevé » en hébreu). Ce dernier aurait été créé pour faire face aux injustices faites aux juifs dans le ghetto au XVIe siècle. Certains lui prêtent une histoire plus sombre, faisant de lui un monstre terrorisant la ville. Si l’origine de cette histoire du Golem nous échappe désormais, la légende est bien présente dans l’imaginaire collectif en république Tchèque, certains habitants y faisant même allusion pour faire peur à leurs enfants (un peu comme le père fouettard ici !).
Dans « Le mystère du géant de Prague : le golem du ghetto » (Oskar Editeur), Sylvie Baussier a pris le parti de nous conter la légende d’un géant d’argile, un peu gauche dont les sentiments restent désespérément enfermés dans sa carapace d’argile. Elle lui a accordé une part d’humanité qui fait de lui un être attachant tout autant qu’impressionnant.
A la lecture de ce court roman pour des lecteurs de 10/12 ans, les passages traduisant les pensées du Golem m’ont touchée en plein coeur :
« Moi je suis né adulte, plus grand et plus fort que le plus impressionnant des hommes. Je n’ai ni père ni mère. Je suis seul et je le serai toujours. Tout le monde me connaît dans la ville, beaucoup me craignent, certains me sont reconnaissants de mon aide, mais lequel d’entre eux peut dire qu’il m’aime ? Et pour lequel d’entre eux mon coeur bat-il ? D’ailleurs, ai-je un coeur ? Ne suis-je pas un bloc d’argile amené à la vie par un mystère étrange ?
Pourtant un humain existe pour moi plus fort que les autres. Oui, il en est un. Lorsqu’il me parle, sa voix est tendre. Lorsque cette voix parvient à mes oreilles, la détresse me laisse en paix. »
Je vous invite à découvrir cette relation singulière entre ce géant d’argile et le rabbin Loew qui lui a donné vie. Mais qu’adviendra-t-il du Golem quand le rabbin rendra son dernier souffle ? A vous de découvrir la fin imaginée par Sylvie Baussier.
A noter : après le roman, un dossier documentaire apporte des éléments d’explication aux jeunes lecteurs. Si ce dossier débute sur le ghetto de Prague et le Golem, il offre une ouverture intéressante sur les ghettos en général, et invite à la réflexion sur la liberté de pensée.
Sandrine Damie
Crédit photo : smokeghost