Auteure notamment de Sweet Sixteen, Là où naissent les nuages ou encore Combien de terre faut-il à un homme, Annelise Heurtier partage ses coups de coeur pour les enfants et ados à l’approche des grandes vacances…
Quel livre conseilleriez-vous à un jeune lecteur à la veille des grandes vacances ?
En ce moment, mon fils de 7 ans et demi découvre avec bonheur les recueils d’histoires de Pierre Gripari. Je les ai relus par la même occasion et j’y ai pris autant de plaisir que lorsque j’étais petite !
La sorcière du placard aux balais, par exemple, m’avait laissé un souvenir impérissable…
Je trouve que ces histoires constituent de belles lectures de vacances, de celles qui marquent suffisamment notre imaginaire pour qu’on les associe, quelques dizaines d’années plus tard, aux étés que l’on a passés chez les grands-parents, à la mer, à la montagne, ou tout simplement à la maison.
Quelle en est l’histoire ?
Avec une pièce de 5 nouveaux francs trouvée au fond de sa poche, Monsieur Pierre achète une petite maison à un notaire qui se met à rire à gorge déployée dès que l’affaire est signée.
Monsieur Pierre, inquiet, lui demande ce qu’il l’amuse à ce point, lorsque le notaire lui révèle que la maison est hantée par une sorcière, qui vit dans le placard aux balais….et qui ne sort que lorsque l’on chante, de nuit « Sorcière, sorcière, prends gare à ton derrière ! ».
Bien sûr, Monsieur Pierre est furieux : jamais il ne lui serait venu à l’idée d’inventer une pareille chanson si le notaire ne le lui avait pas soufflée !
Mais les jours passent et Monsieur Pierre se sent bien dans sa maison. Il s’y sent d’ailleurs tellement à l’aise que de temps à autres, il ne peut résister à la tentation de fredonner la chanson interdite. Dans la journée, puisqu’il ne risque rien….et puis la nuit. Oh, mais pas totalement… en s’arrêtant juste au dernier mot, voire à la dernière syllabe. Il lui semble alors voir la porte du placard aux balais frémir…
Jusqu’à ce soir de fin d’année, un peu arrosé, où il chante la chanson en entier.
Quand il se rend compte de son erreur, il est trop tard, la sorcière est en train de ricaner devant lui ! Cela faisait si longtemps qu’elle attendait ce moment ! La sorcière propose alors à Monsieur Pierre un marché : s’il réussit à demander à la sorcière quelque chose qu’elle ne peut pas lui donner, elle le laissera tranquille. Sinon, elle l’emportera avec elle…
Qu’avez-vous aimé dans ce livre ?
L’absurde, le burlesque, le fantastique, merveilleusement intégrés à un environnement familier qui s’en trouve bousculé, secoué, tout en restant très réaliste. Son humour, qui fonctionne à tous les âges (ce qui est loin d’être évident). La narration, simple mais jamais simpliste : le lecteur n’est pas infantilisé ou pris pour un idiot.
Pouvez-vous nous parler de son auteur ? Ce qui vous touche dans son travail ?
Il y a un côté très humaniste dans les contes de Pierre Gripari. Ses histoires sont simples, riches, sensibles. Et bien sûr, elles sont racontées avec une virtuosité telle que le lecteur se sent tout de suite happé. Il n’y a pas cette « barrière » que l’on perçoit parfois dans certains romans jeunesse, où l’on sent que l’auteur écrit pour un public auquel il n’appartient pas. Je dirais que l’écriture de Pierre Gripari est franche, sincère…c’est peut-être pour cela qu’elle me touche autant !
Et pour un ado, avez-vous un coup de cœur à glisser dans la valise en lien avec les vacances ?
Les mots « ados » et « vacances » m’évoquent automatiquement le roman « Mon premier amour et autres désastres », de Francine Pascal, paru à l’Ecole des Loisirs (collection Medium). Dans cette histoire, Victoria, 15 ans, se débrouille pour partir comme fille au pair à Fire Island, où elle doit garder deux enfants en bas-âge. Elle prévoit d’y retrouver Jimmy, le garçon dont elle est folle amoureuse et qui y passe également l’été. Reste maintenant à mettre en application le plan de séduction qu’elle a échafaudé avec son amie.
Ce roman est jubilatoire ! J’adore la scène où, pour provoquer une rencontre avec Jim, elle décide d’aller s’acheter une paire de chaussures dans le magasin où il travaille pendant l’été…. Un magasin pour « pieds sensibles »… Et elle se retrouve à vouloir obstinément rentrer le pied dans une affreuse espadrille trop petite pour elle.
En tous cas, on rit, et on s’identifie facilement à l’héroïne. Et le message véhiculé (responsabilité, dangers de l’été) n’est pas anodin et permet, peut-être, d’amorcer une discussion avec son ado à l’approche de l’été. Vraiment, une très bonne lecture à tous points de vue !
Et vous, où aurons-nous peut être la chance de vous croiser cet été ? Avec une nouveauté chez les libraires ?
Refuges (Casterman) vient de sortir en librairies. C’est un roman « réaliste » (à lire à partir de 14/15 ans) qui revient sur le parcours des clandestins qui s’échouent à Lampedusa. J’ai travaillé de nombreux mois avant de commencer à écrire ce texte, en me documentant via des reportages de journalistes, des rapports d’ONG du monde entier ou d’autres associations visant à aider les migrants.
J’espère que ce roman permettra à ceux qui le liront de considérer d’un œil différent ces milliers de clandestins qui frappent aux portes de l’Europe. Derrière l’anonymat, la catégorisation effectuée par les médias se cachent autant d’histoires individuelles, jeunesses fracassées, espoirs immenses. Certes, ce genre de thème n’est pas forcément très léger ou divertissant, mais la littérature peut avoir aussi ce rôle là, il me semble : sensibiliser, faire connaitre, ouvrir les yeux. Dans le cas contraire, comment espérer voir un jour les choses changer ?
Plusieurs autres sorties sont prévues pour les mois à venir, avec notamment un album qui nous transportera en Polynésie française, là où je vis actuellement…Soit dit en passant, si vous souhaitez venir y faire un tour cet été, je me ferai un plaisir de vous conseiller quelques bonnes adresse ! ☺
Propos recueillis par Sandrine Damie