Un livre dans ma valise Europe,Littérature française et étrangère Finlande : roman « Les filles du chasseur d’ours »

Finlande : roman « Les filles du chasseur d’ours »


roman Finlande : "les filles du chasseur d'ours" d'Anneli Jordahl

« Les Filles du chasseur d’ours » est un roman d’Anneli Jordahl (romancière suédoise) publié aux Éditions J’ai Lu et traduit en français par Anna Gibson. C’est son 4e roman, mais le premier à être disponible en français.

Que raconte le roman « Les filles du chasseur d’ours » ?

Ce roman nous plonge dans une Finlande sauvage et contemporaine, à travers l’histoire brutale et captivante de sept sœurs pas comme les autres. Dans « Les Filles du chasseur d’ours » d’Anneli Jordahl, sept sœurs sont élevées depuis leur naissance dans l’isolement par un père tyrannique. Elles fuient leur ferme après sa mort et celle de la mère (soumise à ce clan et détestée par le père et ses filles) pour vivre dans une cabane forestière, affrontant la faim et la violence. Leur unité initiale se fracture pourtant lorsqu’elles rencontrent la civilisation… et c’est tout l’intérêt de ce récit.

Mon avis de lecture sur ce roman au cœur de la forêt finlandaise

L’intrigue suit les sept filles Leskinen – Tania, Aune, Tiina, Laura, Simone, Johanna et Elga, toutes ados ou jeunes adultes. Figure écrasante et autoritaire, leur père leur a inculqué une méfiance viscérale de la société, des hommes, et de toute forme de civilisation. Il leur a interdit l’école, les miroirs, et même une inscription à l’état civil, les élevant dans une liberté brute et anarchique. Ces filles passent leurs journées à chasser, boire, danser, se battre, et vivre en osmose avec une nature aussi magnifique que cruelle. Avec la mort de leurs parents, elles tentent de maintenir ce mode de vie, coupées de leurs contemporains, sauf le temps d’aller vendre des peaux de bêtes et de se ravitailler (surtout en alcool !).

Anneli Jordahl structure son œuvre en trois parties – « La Ferme », « La Cabane au milieu de nulle part », et « La Ville » –, traçant une trajectoire qui va de l’isolement total à une confrontation progressive avec le monde extérieur. Le style est cru, viscéral, presque sensoriel : elle décrit à loisir les odeurs de sueur, de sève et de terre, on entend les rires rauques et les cris de ces filles indomptables. L’écriture oscille entre réalisme brut et une dimension quasi mythique, évoquant les contes nordiques ou un récit d’aventure comme celui des « Sept frères » d’Aleksis Kivi qui semble marquer le début de la littérature finlandaise contemporaine.
C’est aussi une réflexion sur la sororité, la sauvagerie et ce que signifie être libre dans un monde qui impose ses règles. Les sœurs, avec leurs personnalités distinctes – de Johanna, l’aînée autoritaire, à Elga, la cadette rebelle –, forment une meute unie mais fragile, où l’amour et la rivalité se mêlent. Leur rejet des normes sociales et leur vie en marge fascinent autant qu’il dérange ceux qui croisent leur chemin.

Quelle place pour la sororité dans le roman ?

Dans les critiques, le roman est parfois présenté comme une ode à la sororité. Je ne le ressens pas ainsi.

La figure maternelle est plus que malmenée. Leur obéissance aux règles paternelles est au cœur de leur façon de penser et de vivre. Leur dévotion à la figure paternelle montre que leur émancipation reste inachevée après la mort du patriarche. Elles ne brisent pas toutes totalement ces chaînes, et c’est peut-être là une des forces du roman : il ne donne pas de résolution facile. Leur sororité est un combat, pas une victoire. Leur sororité m’apparait plus comme une nécessité imposée par les circonstances (le père, la forêt, la survie) qu’un choix pleinement assumé.

La question de l’emprise

Le titre du roman est révélateur : ce sont les filles du chasseur d’ours, et c’est ce qui les définit tout au long de l’histoire. Mais, elles ne sont pas seulement ses filles : elles sont ses créations, des guerrières façonnées pour un monde qu’il a défini. Leur mère, effacée et méprisée, n’a aucun pouvoir face à lui, ce qui renforce encore son monopole sur leur esprit. Quand le père disparaît, on pourrait penser que son emprise s’arrête là. Mais c’est tout le contraire. Sa mort, loin de les libérer, cristallise son influence. Les sœurs continuent de vivre selon ses préceptes comme s’il était encore là, un peu comme avec un gourou.

L’autrice du roman ne juge pas explicitement cette influence : elle montre simplement comment elle les a marquées, pour le meilleur et pour le pire.

Un roman qui m’a beaucoup interpellée : et si la nature était moins brutale que nos sociétés « civilisées » ?
À méditer !
Sandrine Damie

Les Filles du chasseur d’ours
D’Anneli Jordahl
Éditions J’ai Lu
9 €

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