Avec le roman poignant « Tant que fleuriront les citronniers », Zoulfa Katouh nous rappelle combien notre quotidien paisible et heureux peut vite basculer dans les ténèbres, comme pour Salama en Syrie, héroïne de son livre. Mais comment garder espoir quand tout s’écroule autour de vous ?
En 2011, c’est le début de la guerre en Syrie, plutôt de la Révolution en fait. Dans son roman « Tant que fleuriront les citronniers », Zoulfa Katouh nous livre le récit de ceux qui la subissent de plein fouet, impuissants et témoins des atrocités : la population. Elle a choisi des héros « ordinaires ». Cela pourrait être vous ou moi, et c’est ce parti pris qui vous prend aux tripes. On ne parle pas ici de stratégie militaire, d’alliances internationales ou d’idéologie. Il est question de familles meurtries, de survie, de fuir son pays, sa culture, sa famille pour ne pas mourir.
À noter : Zoulfa Katouh est une autrice canadienne aux racines syriennes qui vit aujourd’hui en Suisse. Elle est diplômée en pharmacie, comme son héroïne Salama. Elle partage aussi avec elle l’amour des livres et une passion pour l’univers du Studio Ghibli. « Tant que fleuriront les citronniers » est son premier roman.
Mon avis sur ce roman au coeur de la Révolution syrienne
Salama, Syrienne de 18 ans, se voyait déjà pharmacienne mais la révolution syrienne et la répression qui s’en suit vont changer son avenir et celui de tout son peuple. Comment garder espoir quand tout n’est que ruines, blessures et morts autour de vous ? À travers les choix et les interrogations de Salama (fuir ou rester ?), l’autrice d’origine syrienne donne la parole à ceux que l’on entend jamais, à ceux qui restent sur place et subissent les conséquences des frappes militaires, à ceux qui n’ont que l’exil comme avenir.
C’est un roman dur à lire mais en même temps d’une incroyable beauté. Car sous la noirceur, l’autrice donne à voir les moments de joie d’avant-guerre et les rares moments d’insouciance arrachés aux ténèbres. Tout au long du récit, elle entretient une lueur d’espoir même infime quand tout semble perdu. La romance qui prend naissance au milieu des gravas permet de ne pas sombrer. C’est un roman difficile car on vit le quotidien de ces jeunes Syriens qui chacun à leur façon font vivre leur pays :
- Salama, improvisée chirurgienne à l’hôpital,
- Layla, sa belle-soeur enceinte qui malgré la mort de son mari veut croire à une vie meilleure pour son enfant à naître,
- Kenan qui refuse de quitter son pays et se donne le devoir de témoigner en devenant reporter clandestin.
Leurs points communs ? L’amour de leur pays et de leurs proches… et la peur omniprésente.
Que d’émotions, que de tristesse et de nostalgie dans cette histoire mais aussi que de lueurs d’espoir (salvatrices pour notre mental !). Je vous avoue que le récit a hanté mes nuits : j’en ai fait des cauchemars. Les scènes dans l’hôpital ou Salama prend soin de tous, en urgence dans les pires conditions sont difficiles à encaisser. Heureusement, l’autrice a distillé quelques gouttes d’espoir, au milieu du chaos, pour montrer combien il faut s’accrocher à l’espoir, coute que coute. Ses clins d’oeil aux studios Ghibli sont aussi des appels d’air bienvenus !
Et que dire du docteur Ziad et de Layla sans « spoiler » l’histoire ? Ils vont durablement vivre dans ma mémoire.
Une lecture marquante mais incontournable.
Sandrine Damie
Tant que fleuriront les citronniers
De Zoulfa Katouh, traduit par Anne Guitton
Éditions Nathan
18,95 €