« Si je dois te trahir » de Ruta Sepetys est un roman historique sur la population roumaine du temps de Ceaușescu. Comment vivre quand toute parole peut être rapportée par un informateur et vous nuire ?
Ruta Sepetys vit dans le Tennessee avec sa famille. Traduite dans près de soixante pays, son œuvre est saluée par la critique et le public du monde entier et fait d’elle une voix incontournable du roman historique. Conquise par son roman « Hôtel Castellana » dont l’intrigue se déroulant en Espagne sous Franco, je poursuis ma découverte de ses romans en me plongeant dans l’histoire de la Roumanie sous Ceaușescu. Le fil conducteur de ses romans ? L’histoire de populations opprimées.
Que raconte le roman ?
« Bucarest, octobre 1989.
Lycéen, passionné de cinéma américain, Cristian Florescu rêve de devenir écrivain… mais dans la Roumanie de Ceausescu, même le rêve peut être dangereux. Le jour où il est convoqué par la Securitate, Cristian doit faire un choix impossible: perdre ceux qu’il aime ou travailler pour la police secrète. Devenu informateur, il prend tous les risques pour tenter de changer le régime de l’intérieur. Quand la radio clandestine annonce la chute imminente des États communistes voisins, le vent de l’espoir souffle pour Cristian… Mais quel est le prix de la liberté ? »
Ce que j’ai aimé dans ce roman
En 1987, j’étais en 3e et nous faisions un échange scolaire avec l’Allemagne. Quel rapport avec le roman, me direz-vous ? Ma correspondante Maria était d’origine roumaine et vivait avec sa mère et sa tante qui avaient fui Bucarest alors qu’elle était encore toute petite. En dehors de ça, je ne sus rien de sa famille, de sa vie… Maria et ses aînées étaient peu bavardes. Il m’aura fallu la lecture de ce roman historique, 36 ans plus tard, pour saisir toute l’ampleur de la terreur du quotidien des roumains et roumaines dans les années 70 et 80 et leur silence.
Si les documentaires apportent souvent un point de vue sous l’angle politique, ce roman nous place au cœur de la population, avec Cristian, un ado en quête de liberté comme narrateur. Ce récit fort va vous bousculer s’appuyant sur de nombreux témoignages recueillis par l’autrice auprès d’instances officielles mais aussi de citoyens ordinaires qui ont accepté de lui expliquer leur vécu, l’état d’esprit de la population, la survie qui justifie tout.
Ce régime de terreur avec son réseau d’informateurs et d’informatrices dans toutes les strates de la population faisait vivre chacun dans le soupçon, la délation, la peur. Qui dénonce qui ? A travers l’histoire de Cristian, de sa famille, de son lycée, de son quartier, Ruta Sepetys donne la parole à ce peuple opprimé jusqu’au jour où le désespoir plus fort que tout le pousse à agir et lui fait entrevoir des jours meilleurs. Des voix s’élèvent et le couple despotique est enfin renversé puis tué.
Ce roman, c’est tout ça à la fois : les espoirs et les peurs, le chantage et les mensonges, les délations et les non-dits, les écoutes et les confidences, la population affamée et l’élite qui se gave, etc. Vous allez vivre ce moment de basculement où la dictature va laisser la place à un autre monde.
Comme l’autrice nous y invite en fin d’ouvrage à travers des photos d’époque et une longue bibliographie, une fois le roman historique terminé, vous aurez certainement envie d’aller encore plus loin en visionnant un documentaire. Je vous propose celui-ci :
Chaque roman historique est pour moi l’occasion de donner envie de s’intéresser à l’Histoire.
Merci à l’autrice pour son travail documentaire soigné qui met à la portée de tous l’histoire de ce peuple roumain qui a souffert si longtemps en silence.
Sandrine Damie
« Si je dois te trahir »
de Ruta Sepetys
Traduit de l’anglais par Faustina Fiore
Gallimard Jeunesse
17,90 €
