Traduit en 36 langues, Andreï Kourkov est l’auteur ukrainien contemporain le plus connu. J’ai choisi de mettre en lumière trois de ses romans. Quand la fiction et l’actualité se télescopent à ce point, c’est déstabilisant.
En France, vous pouvez découvrir les romans d’Andreï Kourkov grâce à la maison d’édition Liana Levi, qui assure la publication de son œuvre en français.
Andreï Kourkov manie l’humour et l’autodérision à merveille pour nous faire passer sa vision de la société ukrainienne à travers ses différentes fictions, bien ancrées dans le réel ! J’ai choisi de vous présenter trois de ses titres.
Premier roman d’Andreï Kourkov : le pingouin
Présentation de sa maison d’édition en France
« Pour tromper sa solitude, Victor Zolotarev a adopté un pingouin au zoo de Kiev en faillite. L’écrivain au chômage tente d’assurer leur subsistance tandis que le manchot déraciné traîne sa dépression entre la baignoire et le frigidaire vide. Alors, quand le rédacteur en chef d’un grand quotidien propose à Victor de travailler pour la rubrique nécrologie, il saute sur l’occasion. Un boulot tranquille et lucratif. Sauf qu’il s’agit de rédiger des notices sur des personnalités… encore en vie. Et qu’un beau jour, ces personnes se mettent à disparaître pour de bon.
Une plongée dans le monde impitoyable et absurde de l’ex-URSS. Un roman culte. »
Mon avis sur Le Pingouin
Ne vous y trompez pas : sous ses airs loufoques, cette histoire de pingouin, écrite par Andreï Kourkov, est une satire de la vie en Ukraine dans les années 1990. En toile de fond : la fin de l’URSS et une Ukraine libre… mais à quel prix pour ses habitants « ordinaires » ?
Victor, est un journaliste raté qui a décidé de prendre en pension chez lui un pingouin du zoo de Kiev quand ce dernier a fait faillite. On suit donc ce duo improbable dans son quotidien des plus déprimants : pas de boulot, pas de relations sociales, pas de vie en dehors de ce petit appartement de Kiev, des règlements de compte à tout va dans les rues, etc. Et puis un rédacteur en chef recrute Victor pour écrire – depuis chez lui et de façon anonyme – des « petites croix », nécrologies avant l’heure de personnalités de la ville, encore bien vivantes. Quel sentiment étrange de s’apercevoir que inexorablement, les morts de ces « célébrités » (hommes d’affaires, politiques ou militaires, tous véreux) s’enchaînent au rythme des textes terminés ! Et tout aussi étrange, une petite fille puis une jeune femme viennent compléter le tableau, livrant une fresque de la société ukrainienne assez cinglante. La misère, les règlements de compte, les petits boulots, la vie payée en dollars, les filatures, les menaces, etc.
Quelle place pour le pingouin dans ce polar décalé ? Animal de compagnie, objet de curiosité, moyen de gagner de l’argent, repère rassurant dans un quotidien chaotique… Micha, le pingouin semble incarner le double de Victor. Il vit au jour le jour, sans se poser de question, acceptant les changements sans sourciller, qu’ils soient bons ou mauvais pour lui.
Un roman sombre me direz-vous ? La candeur de Victor qui traverse la vie et ses aléas sans en être affecté apporte ce côté comique indispensable pour ne pas tomber dans le désespoir. C’est drôle et l’aspect incongru de nombreuses situations ne gomme pas le message critique de la société ukrainienne, corrompue et offrant un avenir plus qu’incertains aux plus nombreux.
Un roman que je recommande pour ceux qui aiment l’absurde !
Le Dernier Amour du président : 10 ans de vie en Ukraine
Présentation de la maison d’édition
» Président de la République d’Ukraine ? Rien ne prédispose Sergueï Bounine à occuper ce poste. Son imprévisible ascension, dénuée de coups bas et d’ambition personnelle, se fait presque malgré lui. De la fenêtre de sa salle de bains, son point d’observation préféré, il se remémore son passé : les années de jeunesse à la sauce communiste, un frère jumeau pas si fou que ça, une mère préoccupée d’arrangements avec le système, le vieux David Isaakovitch amoureux de sa cabane sur une île au milieu du Dniepr… Et maintenant, il lui faut affronter le post-communisme, la greffe d’un nouveau cœur et tous ceux qui rêvent de l’empoisonner… Un roman prémonitoire.
Le roman balaye 25 ans d’histoire, de la période soviétique à celle de l’indépendance toujours fragile face au grand frère russe. Mafias en tout genre, corruptions, nationalismes, hégémonie russe, question européenne : tout le monde en prend pour son grade ! «
Feuilletez un extrait du roman Le dernier amour du président
Les abeilles grises d’Andreï Kourkov
Ce roman est le 10e de l’auteur paru en France. Il est sorti le 3 février 2022.
Présentation de la maison d’édition :
« Dans un petit village abandonné de la «zone grise», coincé entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses, vivent deux laissés-pour-compte: Sergueïtch et Pachka. Désormais seuls habitants de ce no man’s land, ces ennemis d’enfance sont obligés de coopérer pour ne pas sombrer, et cela malgré des points de vue divergents vis-à-vis du conflit. Aux conditions de vie rudimentaires s’ajoute la monotonie des journées d’hiver, animées, pour Sergueïtch, de rêves visionnaires et de souvenirs. Apiculteur dévoué, il croit au pouvoir bénéfique de ses abeilles qui autrefois attirait des clients venus de loin pour dormir sur ses ruches lors de séances d’«apithérapie». Le printemps venu, Sergueïtch décide de leur chercher un endroit plus calme. Ayant chargé ses six ruches sur la remorque de sa vieille Tchetviorka, le voilà qui part à l’aventure. Mais même au milieu des douces prairies fleuries de l’Ukraine de l’ouest et du silence des montagnes de Crimée, l’œil de Moscou reste grand ouvert… »
Feuilletez un extrait des Abeilles grises
Et si vous voulez prolonger votre découverte des tourments de l’Ukraine, le roman de Benoît Vitkine « Les loups« où l’histoire se déroule durant la révolution de la Place Maïden en Ukraine en 2014.
Vous pouvez aussi écouter cette émission de France Inter du 7 mars 2022. Il s’agit d’un entretien avec l’écrivain Andreï Kourkov, le cinéaste ukrainien Igor Minaev, et la peintre ukrainienne Sana Shahmuradova.
Pour découvrir l’ensemble des titres d’Andreï Kourkov, plongez-vous dans le catalogue de la maison d’édition Liana Levi.
Bonne lecture à tous,
Sandrine Damie