A travers le destin incroyable d’Alicia Alonso, prima ballerina assoluta, vous plongez dans le coeur de la politique de Castro à Cuba. Le récit passant d’une époque à une autre est amené avec finesse, et les dessins de danseuses sont d’une infinie poésie.
« Alicia prima ballerina assoluta » de Eeilen Hofer et Mayalen Goust est un roman graphique au style raffiné. A l’image de la grâce des danseuses dont cette BD dépeint la vie, les illustrations sont aériennes, subtiles, tout en douceur… et Pourtant le tableau de la société cubaine de 1959 à 2011 est loin d’être idyllique. Si la santé et la culture pour tous sont au coeur de la Révolution cubaine, les conditions de vie précaire, la peur de la délation sont aussi pointées du doigt. Eilen Hofer (scénariste) et Mayalen Goust (dessinatrice) ont su trouver le juste équilibre pour ne pas tomber dans la dénonciation d’une époque ou le fanatisme aveuglé.
Que raconte « Alicia, prima ballerina assoluta » ?
Tout commence à New York en 1943. Alors que la danseuse étoile se blesse à quelques jours de la première représentation, il faut lui trouver une remplaçante : la jeune Alicia Alonso est prometteuse, et on lui offre le rôle ! Elle incarne à merveille Giselle. Débute alors pour elle une ascension fulgurante dans le monde de la danse classique. Mais au delà du destin individuel, vous découvrez dans cette BD le destin du peuple cubain qui va être profondément marqué par la Révolution cubaine en 1959. Alicia va être au coeur du système politique de Fidel Castro. Le Ballet national de Cuba devient alors l’instrument de propagande du régime castriste, développant la notion de « Cubanidad« , concept tournant autour du sentiment national.
Au fil des pages et des changements de période, vous suivez Alicia, la danseuse étoile, référence pour les générations de danseurs et danseuses qui vont lui succéder, mais aussi Manuela, danseuse au destin moins glorieux, et Amanda, danseuse en devenir au début du 21e siècle.
Il est question ici de danse, mais aussi beaucoup de politique, de restriction, de discipline, de rationnement, etc.
Mayalen Goust donne vie à ces parcours qui s’entremêlent à travers des illustrations d’une grande finesse, son trait souple et assuré sublime les postures des danseuses. Je suis sous le charme !
Résumé par la maison d’édition
« Dans les rues de La Havane, entre 1959 et 2011, les vies se croisent et se recroisent. Aujourd’hui celle d’Amanda, jeune ballerine en devenir. Hier, celle de Manuela, mère célibataire, qui n’aura fait qu’effleurer son rêve de danseuse classique et enfin celle d’Alicia Alonso, dont on suit l’ascension vers la gloire jusqu’à devenir prima ballerina assoluta au parcours exceptionnel. Dans un Cuba où règnent la débrouille et l’entraide, tout autant que la dénonciation et le marché noir, l’histoire de la démocratisation de la danse classique rime singulièrement avec l’avènement du régime révolutionnaire. Pour Amanda, la compétition est rude pour être parmi les meilleures tandis que pour Alicia, les choix ne sont plus seulement artistiques mais politiques, lorsqu’on voudra faire d’elle un instrument de l’ idéologie castriste. »
Saviez-vous que la danseuse étoile cubaine était devenue quasiment aveugle à 19 ans… mais ne renonça pas pour autant à danser ? Elle ne raccrocha définitivement ses chaussons de danse qu’à 74 ans, et mourut à 98 ans (en 2019).
Le mot de la fin ? Un coup de coeur !
Sandrine Damie
Alicia prima ballerina assoluta
D’Eileen Hofer et Mayalen Goust
Rue de Sèvres
20 euros
Cet article a été rédigé
dans le cadre du challenge mensuel
Les Classiques c’est fantastique
organisé par Moka et Fanny.
Le thème d’octobre était dédié
aux « sacrées femmes, illustres autrices ».
Avec une autrice et une illustratrice évoquant le destin de plusieurs femmes cubaines, j’espère avoir été à la hauteur du défi !
Je l’avais déjà repérée et tu enfonces le clou
Merci de ton commentaire ! Il est carrément top et je suis fan des illustrations. Gros coup de coeur ! Sandrine